Depuis quelques années, l’Intelligence artificielle (IA) s’impose comme une révolution technologique majeure dans plusieurs domaines, y compris celui de l’éducation. En Guinée, bien que l’intégration de cette technologie en milieu scolaire et universitaire reste encore timide, ses conséquences négatives commencent déjà à se faire ressentir sur le comportement des élèves et étudiants. Dans un entretien accordé à un reporter de Guineematin.com Kemo Mali Fofana, directeur général des écoles Atlas, syndicaliste, s’est indigné du fait que l’IA contribue à affaiblir la capacité rédactionnelle des apprenants.
Grâce à l’IA, de nouvelles possibilités d’apprentissage s’offrent aux jeunes guinéens. Des plateformes telles que ChatGPT, Google Bard, Gemini ou encore Grammarly permettent aujourd’hui d’obtenir des explications claires, d’améliorer leurs devoirs ou de se préparer aux examens.
Mais, pour Kemo Mali Fofana, cette même technologie n’est pas sans conséquences sur les apprenants, provoquant la paresse, l’affaiblissement de la capacité rédactionnelle et la désinformation numérique. « Aujourd’hui, grâce à l’intelligence artificielle, nombreux élèves et étudiants sont encouragés dans la paresse intellectuelle. Ce qui revient à dire qu’il suffit justement de poser une thématique, une question à l’IA, que ce soit Gemini ou encore ChaptGPT ou autre, dans un laps de temps pour avoir la réponse. Et cela fait qu’aujourd’hui les élèves et étudiants ont des difficultés pour pouvoir réfléchir d’eux-mêmes, parce qu’il y a un outil, un instrument facile qui pourra les aider dans cette tâche. Et deuxièmement, lorsque nous prenons toujours le côté négatif de l’intelligence artificielle, c’est lié au fait que ça tue à petit feu la qualité rédactionnelle de nos élèves et de nos apprenants. Ce qui revient à dire que beaucoup ne peuvent plus produire eux-mêmes. Ce qui revient à dire qu’ils ne peuvent pas du tout se rendre compte des lacunes dyslexiques et dysorthographiques qu’ils ont. Parce que quand ils écrivent avec l’intelligence artificielle, les réponses sont toujours bien formulées, bien soignées, bien corrigées. Et donc, de ce point de vue, ils ne peuvent pas se rendre compte que s’ils avaient réellement des difficultés en matière de rédaction. Troisième conséquence, l’intelligence artificielle encourage aujourd’hui ce que nous appelons la désinformation numérique. Parce que l’IA peut parfois fournir des informations qui ne sont pas du tout vérifiées. Et des personnes qui ne savent pas utiliser l’intelligence artificielle, les apprenants, ils vont relire ces informations d’une manière, et une fois que cela est fait, le plus souvent, vous remarquerez qu’après vérification, ils trouvent que l’information était en porte-à-faux avec la réalité. Ce qui revient à dire que ça encourage aussi la désinformation chez certains apprenants. Et au-delà de cet aspect que nous venons d’évoquer, il faut dire que globalement, l’intelligence artificielle, au-delà de la désinformation, au-delà du fait qu’elle encourage la paresse intellectuelle, ce que nous appelons cette sorte de dépendance, l’intelligence artificielle affaiblit aussi la mémoire des élèves », a déclaré monsieur Fofana.
L’un des grands défis auxquels fait face le système éducatif guinéen, c’est l’absence de formation spécifique à l’usage responsable de l’IA. Peu d’établissements disposent de modules sur la littéraire numérique ou l’éthique de l’intelligence artificielle. Cette carence laisse les étudiants livrés à eux-mêmes, entre autodidaxie hasardeuse et mimétisme technologique. Pour Kemo Mali Fofana, il faut déjà intégrer le numérique dans le cursus scolaire et universitaire pour mieux le contrôler et contrôler son utilisation par les apprenants. « Ce que nous proposons, c’est d’intégrer le numérique dans le programme, dans le cursus scolaire. Ça, c’est depuis, normalement, le préscolaire que les enfants grandissent avec ça. Parce que si c’est intégré dans le cursus, là, dans la formation, il sera clairement dit comment ces outils-là doivent être utilisés. Aujourd’hui, tous les pays du monde entier l’utilisent. Il n’y a même pas un seul pays qui n’utilise pas l’intelligence artificielle. Mais, à la différence des pays du tiers-monde, les autres savent comment profiter du côté positif de l’intelligence artificielle, de sorte que la mémoire des apprenants ne soit pas tuée, de sorte que ça n’encourage pas la paresse intellectuelle, de sorte que la qualité rédactionnelle aussi des apprenants ne soit pas tuée à petit feu. Donc, moi, je pense que si c’est intégré dans le cursus, cela pourra réellement amener les enfants à comprendre comment est-ce qu’il faut formuler les questions sur l’intelligence artificielle, qu’est-ce qu’il faut prendre avec l’intelligence artificielle et qu’est-ce qu’il faut surtout laisser. Moi, je pense que c’est ce qu’il faut faire et surtout parce qu’aujourd’hui, peu importe le degré de sensibilisation que nous allons faire, les apprenants ne sont pas prêts à comprendre parce que nous sommes dans un monde où la facilité domine de plus en plus ».
Pour terminer, Kemo Mali Fofana conseille aux apprenants d’être moins dépendants de l’IA. « Chers apprenants, comprenez que vous serez un jour cloîtrés entre les quatre murs pour passer un test, un examen, une évaluation ou un concours et comprenez que ce jour, rien ne pourra vous aider. Vous ne serez pas avec votre téléphone, vous ne serez pas avec l’IA, vous serez avec le stylo et la feuille. Ce jour-là, vous ne pourrez coucher sur papier que ce que vous avez appris. Comme le disait déjà André Gide, rien n’est plus sincère que d’écrire sur papier ce que l’on connaît. Alors, c’est le bon moment pour vous de faire un éveil des consciences, de profiter de l’intelligence artificielle positivement, et de ne pas surtout accepter de dépendre ou de devenir son esclave ».
Abdoulaye N’koya SYLLA pour Guineematin.com
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